Peintre et poète, Pippo Cafarella est né en 1950 à Malfa (île de Salina, dans l’archipel des Eoliennes). Esprit original, créatif, souvent en rupture avec l’officialité, il a hérité de la « Maison du Postino », une des plus belles maisons éoliennes anciennes de l’île, qu’il a remise en état avec amour. Ami de Massimo Troisi, co-réalisateur et acteur principal du film avec Philippe Noiret, il l’a convaincu d’utiliser cette maison dans son film « Il Postino », en tant que lieu de résidence de Pablo Neruda lors de son exil. Depuis, il lutte sans cesse contre toutes les propositions visant à exploiter ce lieu devenu mondialement célèbre, en lui conservant jalousement son authenticité.
Massimo Troisi (1953 – 1994) était un poète, acteur, homme de théâtre et réalisateur napolitain. Il fut le concepteur et scénariste du film « Il Postino » (le facteur), qui narre la rencontre du poète chilien exilé Pablo Neruda avec un jeune ilien, presque illettré, qu’il initie à la poésie. Vu son état de santé, la réalisation fut confiée à Michael Radford. Troisi succomba à une crise cardiaque le lendemain du dernier jour de tournage…
Fin avril 2015, j’ai trouvé, affichée devant le portail d’entrée, une lettre à Massimo Troisi, de Pippo Cafarella. En voici la traduction approximative:
Cher Massimo
Nous parlions le même langage : t’en souviens-tu ? Quel désordre de tableaux dans les chambres de cette maison magique, quand tu as choisi le mien pour la mise en scène… je ne sais si « minchia pazza » (voir plus bas !) était une métaphore, mais tu riais, et moi aussi !
Merci pour tout ce que tu as dit dans le film, tu m’as donné tellement de force… et quelle fierté pour moi que ces belles paroles soient parties de cette maison qui, comme tu me l’as dit toi-même, était importante parce qu’elle devait représenter la poésie… tant de ressemblances… tu m’as donné encore plus de force et plus de voix pour pouvoir dire non… ou… oui…
Merci pour l’eau que tu m’as donnée pour les assoiffés… L’eau qu’ils cherchent maintenant à fabriquer et à mettre en bouteilles aux formes prétentieuses pour être vendue au prix fort, imposé par la mode.
Tu m’as donné la force de me mettre encore debout, même quand le ventre et les os me font mal.
J’ai parlé, même s’ils voulaient m’enlever la parole parce que je n’ai pas encore appris ce qu’ils enseignent, à voir, entendre et parler de manière à sacrifier aux exigences du « politiquement correct ». Je n’ai pas capitulé.
Nous devons parler avec force, maintenant, tu sais ! Parce que quand ils ne pourront pas s’emparer de ce temple, ils le détruiront…
… mais cette tendre et rose poésie, je la montrerai à tous aujourd’hui, simple et naturelle comme toi, dans ton souvenir…
… notre maison parle encore la même langue, avec la forme du vent. Tu l’entends ?
Ciao, pippo
« Minchia pazza » : Pippo m’en a donné l’explication :
Minchia pazza est le nom très spécial qu’avait ma barque avant qu’ils ne me la coulent, je l’ai retrouvée en trois morceaux face à la baie. Tu dois savoir que quand ma famille m’a légué la maison, qui était quasiment en ruines, ils m’ont donné aussi la barque de mon père qui s’appelait « Palummedda », petite colombe. Par la suite, entre mes mains, cette barque est devenue toujours plus en désordre et négligée, raison pour laquelle les pêcheurs l’ont appelée Minchia, comme les choses de peu de valeur, dans un sens dépréciatif, comme on le dit en Sicile. Comme je suis, moi même, un type étrange et donc fou, la barque a été nommée « Minchia Pazza » C’est ce nom, qui surprenait tout le monde et faisait rire aussi Troisi, qui fut écrit sur la barque.
Merci, Pippo !
Michel Aragno
Photo: Le facteur / Massimo Troisi et Pablo Neruda / Philippe Noiret, à table sur la terrasse.
