Edito par Célia Sapart, Climatologue et Glaciologue, Université Libre de Bruxelles Experte Climat et Communication, CO2 Value Europe
Le constat du monde scientifique est sans appel : « Pour éviter une dégradation irréversible de la vie sur Terre, il est crucial d’atteindre la neutralité en carbone d’ici 2050.» Mais qu’est-ce qu’un monde neutre en carbone ? C’est un monde où les activités humaines ne perturberaient plus les cycles climatiques naturels, un monde où les émissions de gaz à effet de serre seraient suffisamment basses pour ne pas dépasser les capacités d’absorption des puits* de ces gaz. Dans ce monde-là, nos émissions ne dépasseraient pas 1,2 tonnes de carbone par an et par personne sachant qu’aujourd’hui, en Suisse, elles sont en moyenne 5 à 6 fois supérieures. Ce sont donc des bouleversements sans précédent qui nous attendent à savoir qu’un tiers de l’effort doit venir des changements individuels. Mais est-il possible de vivre heureux en diminuant autant nos émissions ?
Grâce à de nouvelles législations, à des investissements massifs notamment dans les énergies renouvelables, mais avant tout grâce à des changements radicaux de nos modes de consommation, nous vivrons dans un monde plus égalitaire, plus respirable et plus vert d’ici à 2050. L’air de nos villes, quasiment sans voitures, sera beaucoup plus propre et les transports en commun seront plus efficaces et beaucoup plus développés, notamment vers les zones périurbaines et rurales. Les logements seront moins vétustes, car d’importantes rénovations auront eu lieu pour satisfaire aux nouvelles normes environnementales. Les aliments provenant de l’agriculture paysanne et des circuits courts seront devenus la base de notre alimentation ce qui nous permettra de manger des produits naturels, frais, de saison, plus sains et plus savoureux. Nous consommerons moins, mais de bien meilleure qualité et le troc et la mutualité des services seront devenus monnaie courante, permettant de dépenser moins dans l’habillement et autres produits du quotidien. Vivre dans un monde neutre en carbone, c’est donc vivre dans une société basée sur la créativité, l’innovation, le partage et un retour vers la nature.
A l’aube de 2020, nous laissons derrière nous une décennie morose qui a vu mourir des millions de personnes du fait de la mauvaise qualité de l’air, de la malbouffe et des phénomènes climatiques extrêmes. La Terre brûle de toute part comme pour nous envoyer un signal d’alarme ! Dans notre course au bonheur, ne devrions-nous pas nous poser un instant, réfléchir, et réaliser qu’il est urgent d’agir pour revenir à l’essentiel : la santé, les échanges humains de qualité et la préservation de notre environnement et du monde vivant dans son ensemble.
En cette nouvelle année, pourquoi ne pas faire les premiers pas vers cette vie-là. Consommons local, de saison et favorisons le seconde main. Arrêtons la surconsommation et le gaspillage. Baissons le chauffage et pensons aux solutions pour mieux isoler nos logements. Evitons de nous ruer sur internet pour réserver des billets d’avion pour les prochaines vacances et réfléchissons à toutes les belles destinations que nous pouvons atteindre en train ou en co-voiturage. Laissons un peu de côté nos smartphones, nos tablettes et autres objets connectés pour aller prendre un bon bol d’air en famille ou entre amis. Un bonheur si simple et neutre en carbone. « Yes, we can ! »
* Un puits est un processus qui enlève les gaz à effet de serre de l’atmosphère. Par exemple, les végétaux qui, par la photosynthèse, utilisent le dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’atmosphère. Mais il existe également de nombreux projets de « puits artificiels » qui ont pour but de capter le CO2 et de le stocker ou de l’utiliser comme matière première dans différents secteurs comme les transports, l’industrie et le bâtiment. Célia Sapart, 11 janvier 2020