L’association lancée en 2013 dans le canton Neuchâtel s’adresse aux élèves des différents degrés de la pyramide scolaire. Des personalités des mondes des sciences, de la culture, de la politique, sont invitées afin de stimuler les élèves, de leur donner confiance en leurs capacités et de susciter leur intérêt pour l’exercice d’une citoyenneté active.
Zahra Basnisadr en est l’instigatrice. Son idée: inviter des personnalités des mondes des sciences, de la culture et de la politique afin de stimuler les élèves, de leur donner confiance en leurs capacités et de susciter leur intérêt pour l’exercice d’une citoyenneté active. En décembre 2015, Zahra Banisadr a reçu le Prix de la citoyenneté de la Ville de Neuchâtel pour son engagement actif en faveur des jeunes.
Interview
Pourquoi vous êtes-vous lancée dans l’aventure d’un projet citoyen?
Zahra Basnisadr: Parce que la citoyenneté est pour moi une valeur fondamentale qu’il faut éveiller dès le plus jeune âge. Quand je dis citoyenneté, je pense certes à l’exercice des droits civiques, mais aussi au respect des valeurs qui fondent une société: l’égalité des droits, l’équité, la liberté, celle d’expression en particulier, le respect des différences. Ce sont des valeurs qui font grandir; elles cimentent aussi la vie d’une classe ou d’un établissement scolaire. Être attentif aux autres, respecter leurs idées, leur personnalité, sont des manières d’être essentielles pour construire ce que l’on appelle aujourd’hui le «vivre ensemble».
Quand cette idée de créer l’association Graine de génie et Graine de citoyen vous est-elle venue?
En 2011 lorsque Neuchâtel fêtait son millénaire. Le plus ancien document officiel mentionnant la ville de Neuchâtel date de 1011. Dix siècles d’histoire ça se fête! J‘ai été surprise de constater que beaucoup de gens ne s’intéressaient guère à l’histoire. C’est alors que j’ai pensé qu’il fallait s’adresser aux enfants, les citoyens de demain et lancer le Millénaire des enfants.
Comment avez-vous procédé pour concrétiser
cette idée?
À force de sonner aux portes avec l’aide d’une amie en- seignante, Marie-Paule Droz Boillat, nous avons obte- nu le soutien de personnes engagées dans le monde de la politique et de la culture. Et notre projet a pris corps. Dix jours durant, cinquante-deux classes, soit quelque mille enfants ont rencontré des personnalités neuchâteloises qui font vivre la cité. Chaque intervenant choisissait un éclairage: la lutte pour le droit de vote des femmes, la civilisation lacustre, les chemins de l’inté- gration à parcourir lorsque parents ou grands-parents sont venus d’ailleurs. Nous avons vécu des moments si intenses que nous avons pensé qu’il fallait persévérer, continuer sur notre lancée. C’est ainsi qu’est née, deux ans plus tard, l’association Graine de génie et Graine de citoyen. J’en assume la responsabilité avec Sarah Zafferri.
Ce projet a-t-il de nouvelles ambitions?
Il se veut surtout plus ouvert sur le monde. Les personnes invitées viennent parfois d’ailleurs. Je pense, par exemple, à la Française Hélène Langevin-Joliot, physicienne, petite fille de Marie et de Pierre Curie.
Cette femme exceptionnelle a raconté l’histoire de ses aïeux en relation avec celle des sciences. Elle a aussi évoqué un souvenir poignant: son arrivée clandestine à Neuchâtel en 1944 avec sa mère et son petit frère. Res- ter en France était devenu trop dangereux, car son père était actif dans la Résistance. Le concept est de donner aux élèves la chance de rencontrer des personnalités qui témoignent de leur parcours et de leurs engagements. Me tiennent à cœur les moments d’échange où les enfants manifestent leur intérêt et posent des questions.
Pourquoi avoir choisi Graine de génie?
Pour dire aux enfants: tu as en toi une petite lumière qui donne du sens à ta vie, un goût pour quelque chose, un rêve qui va t’aider à te construire. Même si c’est difficile: opte pour ce que tu aimes et avance dans cette direction. C’est ce que leur a dit avec force Bernard Challandes, un enseignant devenu entraîneur de foot. Ma vie, a-t-il déclaré, se résume à trois P: passion, persévérance, prise de risque. Les personnes qui témoignent de leur parcours de vie donnent l’espoir aux enfants de réaliser leur rêve. Pour citer Michel Tournier: «La vocation vient habituellement de l’admiration pour un métier ou pour une œuvre.»
Quels sont les liens entre Graine de génie et Graine de citoyen?
J’estime que les personnalités invitées à parler aux élèves ont une responsabilité démocratique, un rôle à jouer auprès de ceux-ci. Elles témoignent de leur parcours, de leurs expériences et de leur foi en l’avenir. Quand vient le moment des questions, elles font preuve d’un grand respect des enfants et leur font sentir qu’eux aussi ont des idées et que leur avis compte. Les valeurs que défendent les conférenciers sont précieuses: humanité, générosité, universalité et espoir. C’est cet esprit que nous voulons faire passer. Il s’agit
aussi de dire aux enfants: la société vous donne accès à l’éducation, un privilège qui est encore refusé à de nombreux enfants sur cette planète. Vous avez aussi la chance de vivre dans une société démocratique. Une chance qu’il vous faudra entretenir et vivifier par une participation citoyenne active.
Comment procédez-vous afin que les professeurs inscrivent leurs classes aux diverses manifestations?
Nous avons un site internet sur lequel sont répertoriées toutes les conférences à venir et les enseignants ou les directeurs d’établissement peuvent y inscrire leurs classes. (www.grainedegeniecitoyen.ch). Ces manifestations sont gratuites. On attend des enseignants qu’ils préparent leurs élèves, qu’ils abordent en classe les sujets qui seront traités. Au fil des ans, nous touchons de plus en plus de classes et d’élèves: de 36 classes, soit 761 élèves, en 2013, à 70 classes inscrites cette année, soit 1363 élèves.
Comment trouvez-vous les intervenants et les
intervenantes?
Je fais appel aux personnes qui soutiennent active- ment notre projet. Jean Studer, par exemple, ancien conseiller d’État neuchâtelois et actuel président du Conseil de la Banque nationale. Son thème était l’importance des valeurs dans les crises que nous traversons actuellement. Je vais aussi écouter régulièrement des conférences. Si le propos me touche et s’il peut intéresser les enfants, je prends contact avec le conférencier ou la conférencière. En général, ça marche. J’y vois une preuve d’un attachement aux valeurs citoyennes.
Quelles sont les réactions des enfants qui vous touchent particulièrement?
Celles qui sont spontanées, celles qui les soulèvent. Par exemple, lorsque Claude Nicollier, astrophysicien et premier Suisse à voyager dans l’espace, est entré dans la salle de conférence d’un collège, tous les élèves se sont levés et l’ont applaudi à tout rompre. C’était un instant d’intense émotion. Et puis aussi le silence, ce moment où les élèves sont attentifs, les yeux grand ouverts. On sent que le courant passe. Finalement, j’ai le sentiment que la personne qui est en face des enfants compte autant que le sujet qu’elle traite.
Quelles sont les sources de financement de votre association?
Ce sont avant tout la Commission fédérale pour les questions de migrations, l’Office de la cohésion multi-culturelle du canton de Neuchâtel, la Ville de Neuchâtel, la Loterie romande et la fondation Casino. •